Coordination : Léa Le Bricomte et Camille Benecchi
Quand l’acte de restauration concerne des objets de provenance coloniale, il devient nécessaire de questionner certains fondamentaux de la profession, en particulier l’objectif de préservation de l’intégrité physique et matérielle de l’objet, qui induit une forme de refus de son changement d’état, négligeant tout un pan de son histoire et du contexte l’ayant mené jusque dans les musées.
Le projet de recherche AMAZONIE(S) s’adosse à la pédagogie singulière de la conservation-restauration à l’ESAA et met en avant plusieurs questions hétérodoxes : que se passe-t-il lorsque des artistes investissent les collections de provenance coloniale ? Que signifie conserver un objet si ce dernier est totalement coupé de sa culture, de son milieu, de son environnement, de ses usages d’origine ; sans plus de lien avec les personnes et communautés qui l’ont créé ? Que préserve-t-on alors, et pour qui ?
La méthode de travail se fonde sur la rencontre avec des représentant·es de communautés autochtones d’Amazonie brésilienne, en particulier des peuples Surui, Guarani et Ashaninka avec lesquels des partenariats ont été noués depuis 2022.
Le projet invite à aborder différentes problématiques : penser une horizontalisation des savoirs et des épistémologies ; repenser les modes opératoires du présent (remplacer, avec Anna Tsing et Donna Haraway, anthropocène par capitalocène et plantaciocène pour nommer la crise globale, et articuler luttes environnementales, luttes sociales et luttes pour l’auto-détermination) ; repenser la façon dont l’art peut agir dans la société comme projet d’émancipation ; questionner les modes opératoires des musées ethnographiques en promouvant leur métamorphose lente mais sûre vers l’intégration de l’expertise autochtone au sein de leurs conseils scientifiques.