AMAZONIES

Quand l’acte de restauration concerne des objets de provenance coloniale, il devient nécessaire de questionner certains fondamentaux de la profession, en particulier l’objectif de préservation de l’intégrité physique et matérielle de l’objet, qui induit une forme de refus de son changement d’état, négligeant tout un pan de son histoire et du contexte l’ayant mené jusque dans les musées. Le projet de recherche AMAZONIES s’adosse à la pédagogie singulière de la conservation-restauration à l’ESAA et met en avant plusieurs questions hétérodoxes : que se passe-t-il lorsque des artistes investissent les collections de provenance coloniale ? Que signifie conserver un objet si ce dernier est totalement coupé de sa culture, de son milieu, de son environnement, de ses usages d’origine ; sans plus de lien avec les personnes et communautés qui l’ont créé ? Que préserve-t-on alors, et pour qui ?  

Ce programme rendra donc explicite une approche de la pratique de la conservation-restauration, suivie au sein de l’école depuis de nombreuses années et qui s’attache à ne pas décorréler la matérialité de l’objet de sa vie immatérielle. Cette approche nécessite donc un lien et une collaboration étroite, avec les représentant·es des communautés d’où proviennent les objets. Gageant que le décentrement produit par ces rencontres sur les habitudes de sentir et de penser viennent enrichir et infléchir le programme pédagogique, nous proposons, dans cette communication de rendre compte des trois années d’expérimentation écoulées.  

La méthode de travail se fonde donc sur la rencontre avec des représentant·es de communautés autochtones d’Amazonie brésilienne, en particulier des peuples Surui, Guarani et Ashaninka avec lesquels des partenariats ont été noués depuis 2022.  

Traitant de problématiques inhérentes à la pratique de la conservation-restauration, ce programme de recherche n’en perd pas moins sa propriété transversale. La recherche en art ne se limitant pas seulement à une production de forme, isolée dans un cadre culturel défini, elle est aussi vectrice de la transformation sociale et politique du monde. Les étudiant.es en art, associé.es à ce programme, sont donc au contact avec des questions esthétiques, sociétales contemporaines : écologie, low-tech, autonomie, décolonisation des savoirs.